La planification stratégique : utile ou pas pour l’entrepreneur·e ?

Avant de répondre à cette question, il importe de clarifier ce qu’est l’entrepreneuriat. Dès 1755, Cantillon, considéré comme un précurseur de la théorie de l’entrepreneuriat, affirme que l’entrepreneur (notez qu’à l’époque on parlait des entrepreneurs au masculin!) est un acteur important qui influence le marché économique. Par la suite, en 1911, Schumpeter définit l’entrepreneur comme étant une personne qui innove et crée de nouvelles combinaisons, de nouveaux produits ou de nouveaux processus. Aujourd’hui, tant les chercheurs que les économistes considèrent l’activité entrepreneuriale comme étant essentielle à la vitalité et à la vigueur économique. 

« L’entrepreneuriat a un impact tant sur l’innovation que sur la croissance économique dans la mesure où l’entrepreneure adopte une approche stratégique structurée. »

Ainsi, l’entrepreneuriat a un impact tant sur l’innovation que sur la croissance économique dans la mesure où l’entrepreneure adopte une approche stratégique structurée. Et cette approche réside en partie sur la réalisation en continu d’une planification stratégique.

Un temps d’arrêt, un temps de réflexion

La planification stratégique est essentiellement un exercice qui devrait se faire aux 3 ou 4 ans, selon la volatilité de votre marché. La planification stratégique est un temps d’arrêt, un temps de réflexion. Elle débute par un regard introspectif de l’entreprise sur nos forces (on se démarque sur quoi?) et nos faiblesses (on est moins bon pour faire quoi ?). Également, elle doit permettre de regarder ce qui se passe (ou se passera) dans l’environnement externe, c’est-à-dire identifier les menaces et les opportunités1. La combinaison de l’analyse des environnements interne et externe permet d’identifier les enjeux, c’est-à-dire ce que l’on peut perdre. Par exemple, une faiblesse pourrait nous empêcher de saisir une opportunité alors qu’un concurrent aura la capacité de le faire, ce qui pourrait entraîner une perte de revenu considérable. 

Mission, vision, valeurs

Une fois les enjeux identifiés, nous sommes en mesure de comprendre qui nous sommes et comment on se distingue sur le marché. C’est donc seulement à cette étape que l’on est capable de rédiger les libellés de mission et de vision. La mission doit certes, inclure ce que l’on fait, à qui l’on s’adresse, à quel endroit on offre nos services, mais elle doit par-dessus tout préciser en quoi on se distingue, mettre en lumière ce qui est différent de nos concurrents. La vision, quant à elle, doit préciser ce que l’on veut devenir. Elle doit être porteuse de sens, surtout pour les actionnaires/propriétaires et ses employés. Elle répond aux enjeux identifiés, ce que l’on ne veut pas perdre de vue. Ainsi, l’écart entre ce que nous sommes actuellement (nos forces et faiblesses) et ce que l’on veut devenir (les opportunités identifiées) devra permettre de définir la vision et, par la suite, les objectifs stratégiques qui se retrouveront dans le plan d’action.

« Des valeurs bien définies permettent également de guider l’embauche d’employé·e·s qui les partagent, ce qui facilite bien des décisions! »

Une fois ces étapes réalisées, on doit définir nos valeurs. Les valeurs influencent la prise de décision et guident les comportements. Par exemple, une entreprise d’économie sociale ayant « intégrité » comme valeur pourrait refuser un don parce que le dit donateur voudrait recevoir certains privilèges. Des valeurs bien définies permettent également de guider l’embauche d’employé·e·s qui les partagent, ce qui facilite bien des décisions ! L’étape des valeurs étant terminée, il faut réfléchir au panier de produits et services offert actuellement pour un marché donné.  Pour ces mêmes produits, il faut aussi identifier des marchés futurs et des produits et services qui pourraient être ajoutés au panier.

Ainsi, c’est à partir du SWOT2, des libellés de mission et de vision, de l’identification des valeurs et de l’actualisation du panier de produits et services que se précisent les orientations stratégiques. Pour chaque orientation se déclinent des objectifs spécifiques mesurables et des moyens pour les réaliser. 

C’est vous qui conduisez!

J’aime bien comparer l’exercice de planification stratégique à une voiture. Le rétroviseur nous permet de regarder en arrière, pouvant ainsi représenter l’identification de nos forces et faiblesses. Cependant, ce miroir est petit, et ce n’est pas constamment à cet endroit que regarde le chauffeur. Il faut donc regarder en arrière pour se souvenir, mais pas tout le temps. Le plus souvent, on regarde le pare-brise, beaucoup plus grand, car on veut voir où on s’en va pour être en mesure d’identifier les menaces, voire les opportunités. Ensuite, on doit préciser une destination (vision), choisir les itinéraires (orientations) et mettre de l’essence (moyens) afin de se rendre à notre destination (objectif). Enfin, le tableau de bord de la voiture permet au conducteur de mesurer une série d’indicateurs tout en réalisant ses objectifs.

Votre entreprise, c’est un peu votre voiture. La planification stratégique en continu permettra non seulement de choisir adéquatement le type de voiture nécessaire, mais également de renouveler la voiture en fonction des besoins.


1  Un mot clé pour identifier les sources de menaces et opportunités: PESTEL. Politique, économique, social, technologique, environnemental et légal.

L’analyse ou matrice SWOT est un outil de stratégie d’entreprise permettant de déterminer les options offertes dans un domaine d’activité stratégique (Forces, faiblesses, opportunités, menaces)