On est en pleine pandémie. Mars 2021. Annick Bachand et ses deux filles, Marie-Chantale et Éloïse Viens, vendent leurs 150 premiers sacs de craquelins en moins de 24 h.

Aujourd’hui, leur entreprise, malterre, basée à Rivière-du-Loup, en produit près de 300 par jour.

Et c’est d’autant plus un succès que leurs craquelins ont quelque chose de spécial.

Ils sont faits à base de drêche. Le résidu du brassage de la bière.

Des craquelins pour lutter contre le gaspillage alimentaire

Une fois que les brasseurs ont concassé les grains de céréales, ils sont mélangés à de l’eau chaude et on en retire les sucres.

Ce qu’il en reste, c’est la drêche. « La drêche contient beaucoup de protéines et de fibres », explique Annick. « Ça goûte comme du gruau nature, mais en moins sucré. »

En région, la drêche est généralement donnée aux fermiers du coin pour nourrir le bétail. Mais en ville, la réutilisation de la drêche est plus problématique.

La majorité de la drêche produite par les grands brasseurs québécois est vendue à des agriculteurs américains . Ce qui veut dire de nombreux allers-retours de camions-remorques et la pollution qui en découle.

 « Les gens seraient surpris de voir la quantité de drêche que ça crée. On ne parvient pas à utiliser toute la drêche tellement qu’il y en a! », confie Marie-Chantale.

Et ça, Marie-Chantale, Éloïse et Annick ont pu le voir de leurs propres yeux.

Parce que la drêche qu’elles utilisent pour faire leurs craquelins provient de la microbrasserie Aux Fous Brassant, qui appartient à Éric, le conjoint d’Annick et le père des deux filles. Aussi appelé affectueusement « le bénévole de l’année ».

C’est en réalisant la quantité de drêche produite qu’est venu le désir d’Annick d’en faire un produit à valeur ajoutée.

Après avoir testé des biscuits pour chiens, Annick a découvert les craquelins à base de drêche lors d’un voyage en Europe avec son conjoint.

À son retour, elle propose à ses filles d’embarquer avec elle dans cette nouvelle aventure entrepreneuriale.

Avoir un grand impact, ce n’est pas de la petite bière

Lorsque nous avons questionné Annick sur ce que ça signifiait pour elle faire de l’« entrepreneuriat d’impact », elle a souri en coin et a répondu : « C’est drôle parce que j’ai découvert ça récemment qu’on faisait de l’entrepreneuriat d’impact. Que ça existait, ce terme-là. »

Et pourtant, malterre a bel et bien un impact. Annick, Marie-Chantale et Éloïse ne se contentent pas de « recycler » la drêche. Elle la « surcycle ».

« Quand on recycle, on reprend le produit pour en faire un qui est de moins bonne qualité. Alors que le surcyclage donne une valeur ajoutée au produit de base », explique Annick.

La production de craquelins à base d’un résidu surcyclé – la drêche – comporte toutefois son lot de défis. Contrairement à des craquelins traditionnels, malterre a tout un travail d’éducation à faire auprès de certaines clientèles.

En plus de vendre leurs produits, les trois entrepreneures doivent déconstruire plusieurs mythes entourant la drêche.

« Il faut tout le temps réexpliquer aux gens c’est quoi la drêche. Que ça ne goûte pas la bière. Que c’est bon pour la santé. Que, oui, c’est un résidu du brassage. Mais non, on ne le prend pas des poubelles », confie Marie-Chantale.

Marie-Chantale avoue que cette éducation peut parfois être épuisante, mais elle retire aussi une fierté dans le fait d’amener une personne à changer sa vision des choses.

Parce que c’est aussi ça l’impact. Faire en sorte que les gens adoptent de nouvelles habitudes de consommation. Plus saines, plus locales, plus écoresponsables.

Même si Annick affirme en toute modestie que « les craquelins ne suffiront pas à régler le problème de la drêche », malterre fait sa part et souhaite en inspirer d’autres.

« Chaque petit pas fait une différence. L’impact se calcule souvent à long terme, alors c’est important de faire preuve de persévérance. Si la mission et les valeurs sont bien représentatives des entrepreneur·e·s, le résultat en vaudra tout le travail », affirme Éloïse.

Croître, oui, mais pas à tout prix

malterre, c’est d’abord et avant tout une entreprise familiale. « Si mes filles n’étaient pas là, c’est sûr que l’entreprise ne serait pas où elle en est aujourd’hui ».

Mais pour doubler leur production, Annick, Marie-Chantale et Éloïse confient avoir besoin de renfort. Elles comptent d’ailleurs recruter des employé·e·s et automatiser certains aspects de la production.

Dans un contexte de croissance, comment une entreprise comme malterre peut-elle maintenir son impact social et sa saveur locale?

« C’est une question que je me pose chaque jour. (…) Mais une chose est certaine : on ne mettra pas nos valeurs de côté pour grandir plus », affirme Marie-Chantale.

malterre a choisi de privilégier des ingrédients naturels et locaux, comme le sirop d’érable plutôt que le sucre. Même si ça sous-entend des coûts plus élevés, c’est un prix qu’Annick, Marie-Chantale et Éloïse sont prêtes à payer pour avoir un produit de qualité et pour incarner leurs valeurs.

Mais créer une entreprise avec des valeurs fortes ne sous-entend pas nécessairement générer un profit moindre. Cela peut aussi être un élément différenciateur dans le marché actuel. La clientèle de malterre ne fait pas qu’acheter des craquelins. Elle achète aussi la philosophie qui vient avec.

Plusieurs entreprises, comme Loop, The Pretty Ugly Company et Ellipse Conservation, ont également compris à quel point faire les choses autrement pouvait les positionner dans le marché compétitif de l’agroalimentaire.

« Le monde des affaires est en transformation. On le voit comment on est accueillies comparativement à d’autres entreprises. Les gens veulent venir nous visiter, nous rencontrer », dit Annick.

malterre offre actuellement trois sortes de craquelins, en plus de leur édition spéciale « biscuits au pain d’épice ».

Goûtez-y. Vous verrez que, non, « ça ne goûte pas la bière ».

Et vous craquerez, vous aussi, pour malterre.

Pour en savoir plus sur malterre :

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Grâce à l’engagement de précieux partenaires: Économie Québec, par l’entremise de son mandataire Investissement Québec, la Banque Nationale, la Banque de développement du Canada (BDC), le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction, Evol dispose d’une enveloppe d’envergure pour soutenir, par le biais de prêts conventionnels, des entreprises à propriété inclusive et diversifiée, générant des impacts sociaux et environnementaux positifs alignés sur les objectifs de développement durable de l’ONU (ODD).

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